Depuis leur création en 2019, les indices Next 40 et French Tech 120 suscitent autant d’enthousiasme que de débats. Ces programmes gouvernementaux, pilotés par la Mission French Tech, visent à identifier et accompagner les 120 start-ups françaises les plus prometteuses. Pourtant, malgré les belles annonces et les chiffres impressionnants – 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé en 2023 et 40 000 emplois directs – ces dispositifs font face à des critiques récurrentes qui questionnent leur réelle efficacité.
Des critères de sélection qui évoluent sans convaincre totalement
La Mission French Tech a fait évoluer ses critères de sélection pour la promotion 2024, cherchant à mieux équilibrer l’évaluation entre revenus et levées de fonds. Pour le Next 40, 20 places sont désormais attribuées aux entreprises ayant réalisé les plus importantes levées de fonds (minimum 100 millions d’euros entre 2021 et 2024), tandis que 20 autres places reviennent aux entreprises générant au moins 100 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 15% de croissance annuelle.
Cette évolution répond aux critiques formulées par certains investisseurs qui pointaientt du doigt un système trop focalisé sur les levées de fonds au détriment de la rentabilité. Néanmoins, ces ajustements soulèvent de nouvelles interrogations sur la cohérence globale du dispositif.
L’accompagnement étatique : entre promesses et réalité terrain
Les entreprises sélectionnées bénéficient d’un accompagnement pluriel incluant un accès privilégié à plus de 45 ministères et agences gouvernementales. Les start-up managers dédiés activent une offre de services adaptée aux enjeux spécifiques de chaque entreprise : développement international, financement, recrutement, propriété intellectuelle. Si 95% des start-up accompagnées en 2023 considèrent que ce programme a constitué un atout pour le développement de leur activité, certains entrepreneurs restent sceptiques quant à l’impact concret de ces dispositifs.
Les faiblesses structurelles des indices French Tech
Malgré les ajustements réguliers apportés aux critères de sélection, plusieurs problématiques structurelles persistent et remettent en question l’efficacité du dispositif pour accompagner un écosystème réellement inclusif et représentatif.
Un manque de diversité persistant
L’un des points noirs les plus flagrants concerne la représentation féminine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : moins de 15% des entreprises sélectionnées en 2024 ont une femme à leur tête, et cette proportion tombe drastiquement dans le Next 40 où l’on ne compte qu’une seule dirigeante. Cette faible représentation questionne la capacité des indices à refléter la diversité de l’écosystème entrepreneurial français.
Les nouveaux critères introduisent certes un index d’égalité professionnelle avec un score minimum de 75, mais cette mesure corrective arrive tardivement et ne s’attaque pas aux causes profondes du problème.
La concentration géographique et sectorielle
La suppression du critère régional dans les nouvelles modalités de sélection risque d’accentuer la concentration parisienne déjà prégnante. De plus, certains secteurs comme la fintech dominent largement avec 26 entreprises retenues en 2024, soit 22% du classement global, au détriment d’autres domaines d’innovation.
Une remise en cause fondamentale du modèle
Des investisseurs et entrepreneurs contestent l’idée de figer un classement de startups dans le marbre alors que ces dernières ont un équilibre économique très fragile. Cette critique soulève une question essentielle : peut-on vraiment prédire quelles entreprises deviendront les champions de demain ?
L’exemple d’entreprises qui entrent et sortent régulièrement de ces indices illustre cette volatilité. Le taux de renouvellement d’environ un tiers chaque année témoigne de la difficulté à identifier durablement les futurs leaders technologiques. Cette instabilité questionne la pertinence d’un accompagnement limité à une année, période souvent insuffisante pour un impact durable sur la trajectoire d’une entreprise en hypercroissance.
Un bilan en demi-teinte qui appelle à repenser l’approche
Les indices Next 40 et French Tech 120 ne manquent pas d’atouts : ils offrent une visibilité internationale appréciable, facilitent l’accès aux services publics et créent une dynamique collective positive. Les entreprises sélectionnées cumulent des performances financières remarquables et génèrent des milliers d’emplois.
Toutefois, ces dispositifs peinent à s’affranchir de leurs limites initiales. La persistance des inégalités de genre, la concentration sectorielle et géographique, ainsi que l’instabilité des sélections soulèvent des questions légitimes sur leur capacité à identifier et accompagner efficacement les futurs champions technologiques français. Sans remise à plat plus profonde de leurs mécanismes, ces indices risquent de rester des outils de communication plus que de véritables accélérateurs d’innovation.
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