Près de deux ans après son lancement, le programme « Je choisis la French Tech » affiche des résultats encourageants mais soulève aussi des questions sur son impact réel dans l’écosystème entrepreneurial français. Lancée en juin 2023 lors de VivaTech, cette initiative portée par la Mission French Tech a pour ambition de doubler la commande publique et les achats des grands groupes auprès des startups d’ici 2027.
Les ambitions de Je choisis la French Tech face à la réalité du terrain
La France n’a jamais brillé par sa capacité à favoriser l’open innovation, notamment en comparaison avec les écosystèmes américains ou asiatiques. Le programme Je choisis la French Tech s’attaque directement à cette problématique en créant des ponts entre les startups innovantes et les grands décideurs économiques.
Un objectif chiffré ambitieux mais nécessaire
L’objectif affiché est clair : faire passer la commande publique et privée de 6 milliards d’euros en 2022 à 12 milliards d’euros en 2027. Cette ambition s’inscrit dans une volonté politique de renforcer la souveraineté technologique nationale tout en stimulant la croissance des startups par l’augmentation de leurs revenus commerciaux.
Des premiers chiffres prometteurs mais à relativiser
En deux ans, plus de 600 entreprises ont rejoint le programme. Plus impressionnant encore, plusieurs grands acteurs économiques français se sont engagés collectivement à hauteur de 685 millions d’euros d’achats auprès des startups d’ici 2027. Parmi ces locomotives figurent des entreprises stratégiques dans divers secteurs, notamment les transports, l’énergie, les télécommunications et la finance. Cependant, ces promesses d’achat représentent moins de 6% de l’objectif global, ce qui pose question sur le rythme de progression nécessaire pour atteindre les 12 milliards visés.
Les mécanismes de « Je choisis la French Tech » : au-delà des simples déclarations d’intention
Pour concrétiser ses ambitions, le programme déploie plusieurs leviers d’action qui dépassent les simples déclarations d’intention. L’initiative s’articule autour de trois piliers majeurs qui visent à transformer durablement les pratiques d’achat.
La mise en relation comme pierre angulaire du dispositif
Le programme a facilité plusieurs milliers de rendez-vous commerciaux permettant à de nombreuses startups de rencontrer des clients potentiels. Ces rencontres ont aujourd’hui débouché sur des contrats concrets. Ces succès démontrent que la mise en relation directe peut effectivement déboucher sur des collaborations fructueuses.
La formation : un levier encore sous-exploité
Pour lever les obstacles liés à la méconnaissance des processus d’achat, particulièrement dans le secteur public, la Mission French Tech a lancé « Je choisis la French Tech Académie« . Cette formation en ligne, développée avec Openclassrooms, vise à démystifier les marchés publics pour les startups. Si l’initiative est louable, son impact reste à démontrer, notamment car plus de la moitié des acheteurs publics identifient toujours ce manque de compréhension comme un frein majeur.
Les défis structurels à surmonter pour Je choisis la French Tech
Malgré les avancées notables, le programme doit encore franchir plusieurs obstacles pour transformer durablement l’écosystème d’innovation français.
Le changement profond des mentalités d’achat
L’un des principaux défis réside dans la transformation des habitudes d’achat profondément ancrées dans les grandes organisations. Au-delà des discours et des engagements, c’est toute une culture de collaboration avec les jeunes entreprises innovantes qui doit s’installer. Ce changement de paradigme nécessite une évolution des processus internes, souvent rigides et peu adaptés à l’agilité des startups.
L’expansion au-delà du cercle des convaincus
Si les premières entreprises engagées montrent la voie, l’initiative doit désormais séduire un cercle beaucoup plus large d’acteurs économiques. Les grandes entreprises françaises qui observent actuellement le mouvement sans s’y engager constituent un réservoir essentiel pour atteindre les objectifs ambitieux du programme. L’enjeu est de transformer une démarche encore perçue comme volontariste en un standard de marché.
L’évolution des indicateurs de performance
Les directions achats des grands groupes sont traditionnellement évaluées sur des critères de réduction des coûts et de sécurisation des approvisionnements. Pour favoriser la collaboration avec les startups, ces indicateurs doivent évoluer pour valoriser l’innovation, la prise de risque calculée et l’impact économique local. Sans cette évolution, les acheteurs resteront naturellement orientés vers des fournisseurs établis présentant moins d’incertitudes apparentes.
Quel avenir pour Je choisis la French Tech ?
Après deux ans d’existence, Je choisis la French Tech pose les bases d’une transformation profonde mais lente du paysage économique français. Le programme a le mérite d’avoir mis en lumière un problème structurel et d’avoir proposé des outils concrets pour y remédier.
Des résultats tangibles mais encore insuffisants
Les premiers résultats sont encourageants avec 685 millions d’euros d’engagements et des cas concrets de collaboration réussie. Cependant, ces chiffres restent modestes au regard de l’objectif global et témoignent de la difficulté à changer rapidement des habitudes d’achat profondément ancrées.
Une prise de conscience collective nécessaire
Pour que Je choisis la French Tech devienne un véritable catalyseur de changement, une prise de conscience collective est indispensable. Les grands groupes doivent comprendre que collaborer avec des startups n’est pas seulement un acte de patriotisme économique, mais aussi un moyen d’accélérer leur propre transformation numérique et écologique.
Vers un cercle vertueux d’innovation
Si l’initiative parvient à atteindre sa vitesse de croisière, elle pourrait créer un cercle vertueux où les startups gagneraient en résilience financière et les grands groupes en agilité d’innovation. Ce modèle gagnant-gagnant est la promesse de Je choisis la French Tech, mais sa concrétisation nécessitera encore beaucoup d’efforts et une constance dans l’engagement de tous les acteurs concernés.
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