A ses débuts, Colomban de La Monneraye exerçait au Grand Duché de Luxembourg en droit des sociétés ; un travail emblématique du « paradise paper » qui l’a amené à s’intéresser au code informatique pour essayer d’automatiser son travail.
En quête de sens, il rentre à Lyon et adapte son code au droit social français avant de créer Agrume en 2016 avec son associé : une scale-up spécialisée dans l’automatisation des procédures RH, qui compte aujourd’hui 13 collaborateurs, 300 clients et propose 4 services aux entreprises : la gestion individuelle des RH, la gestion et le pilotage du CSE, les élections professionnelles par voie électronique et l’accompagnement juridique.
Entretien inspirant avec un avocat-entrepreneur pour qui tout n’a pas été un long fleuve tranquille ! Du time-to-market, à la peur de l’ubérisation d’un secteur, en passant par la perte d’un associé et de pas mal d’argent, Colomban nous précise comment il a fini par trouver son public.
Entretien avec un entrepreneur inspirant : Colomban de La Monneraye
Comment vous présente-t-on ? Avocat ? Startupper ? Les 2 mon capitaine ?
Avocat en premier lieu. A mes débuts, en 2006, j’étais au Grand Duché de Luxembourg et j’exerçais en droit des sociétés. Je faisais ce qu’on pourrait appeler du « paradise paper ». Beaucoup de papiers, toujours les mêmes, avec beaucoup de nombres à répéter, qui comportaient beaucoup de chiffres, le tout formant un boulot extrêmement répétitif et totalement insipide. C’est dans ce contexte que je me suis intéressé à l’informatique pour essayer d’automatiser mon travail. J’ai appris à coder sur VBA et j’ai développé un système de gestion de calendriers et de documents. Le manque de sens de mon travail m’a fait dévier en droit social et la météo luxembourgeoise m’a rapatrié à Lyon en 2010. J’ai repris mon code et l’ai adapté au droit social français. Puis après une bonne année de rédaction d’un cahier des charges, j’ai cherché des partenaires pour créer une société. L’idée de base était de créer une solution qui permette à un avocat en droit social de mieux faire son boulot et beaucoup plus vite : ne pas réinventer la roue à chaque dossier, éviter de perdre du temps dans des recherches inutiles ou des calculs de faible valeur ajoutée, capitaliser le savoir-faire, ne pas répéter les mêmes erreurs… On était deux, on a passé quelques années à développer notre système en y insérant les données du droit social, lesquelles en France, sont innombrables, changeantes et souvent mouvantes. On a créé la société Agrume, un assistant à la gestion des ressources humaines, en 2016. Les premiers partenariats sont venus, les premiers clients aussi. Et un jour, je me suis réveillé startupper. Les deux me définissent aujourd’hui.
Quel a été le “déclic” pour vous lancer pour la première fois dans le monde fantastique des startups ?
Il n’y a pas eu vraiment de déclic. Plutôt une glissade continue. Une idée, quelques tests, des commentaires positifs de collègues, l’installation d’un bureau dans le garage, des rencontres, un salon, puis un deuxième, un prix, puis un deuxième, un premier client, puis un deuxième, et voilà, un jour, vous êtes startupper !
Vous nous précisiez qu’avant de pivoter, les avocats témoignaient d’une certaine peur de l’ubérisation. Est-ce un « marché » complexe à adresser pour une startup ?
Comment dire … oui.
Pour faire simple, c’est un marché compliqué. Nous, avocats, ne sommes pas formés au commerce et au marketing. Nous n’avons pas vraiment travaillé dans des entreprises au contact d’autres métiers. Nous apprenons souvent d’une ou deux personnes, un peu comme un Padawan avec son maître. Alors, forcément, la nouveauté, l’innovation et l’investissement ne sont pas vraiment une de nos préoccupations.
Jusqu’à peu, les LegalTech étaient même perçues comme des braconniers du droit, selon le terme consacré. Encore aujourd’hui, il m’arrive d’entendre que nous participons à l’ubérisation du droit ou sa marchandisation. Mais cela devient de plus en plus rare.
Lorsque vous avez perdu votre associé, quel a été votre moteur pour continuer d’avancer ?
C’est vrai que les débuts commerciaux ont été compliqués. J’y ai perdu mon associé et pas mal d’argent. Mais quand vous avez 8 ans de travail sur un projet derrière vous, c’est difficile de tout lâcher. Deux puissants biais cognitifs sont à l’œuvre : le biais de confirmation et celui des coûts irrécupérables.
Autrement dit, je n’ai jamais cessé d’y croire et j’avais trop à perdre en abandonnant.
Donc j’ai continué.
Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?
Étendre la solution au statut collectif, modéliser les principales conventions collectives, développer une solution pour traiter le contentieux judiciaire et développer un des plus gros cabinets de droit social en France. Tout simplement !
Sérieusement, le but est surtout d’offrir aux employeurs une solution complète pour la gestion des ressources humaines… de A à Z, d’Agrume à Zest, Zest étant le cabinet d’avocats qui porte le conseil et le contentieux de nos clients.
Quelles sont les personnalités qui vous inspirent le plus ? Pourquoi ?
J’ai un peu de mal à répondre à cette question, car les personnes qui m’ont le plus inspiré sont celles qui m’ont marqué de manière négative. En fait, j’ai toujours essayé de ne pas reproduire les pratiques que je réprouve en cherchant une autre voix.
Quel conseil atypique donneriez-vous à tout entrepreneur qui se lance ?
Avoir conscience de ses limites, écouter les autres pour apprendre et prendre des décisions mais surtout, bien connaître ses propres motivations et les conserver intactes. Est-ce atypique? Je ne sais pas.
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