Jonathan Ardouin, CEO de Livi en France

Alors que le gouvernement ambitionne 19 milliards d’euros pour soutenir le système de santé et faire de la France la première nation innovante et souveraine en santé en Europe à l’horizon 2030, la startup Livi (dont la maison mère, KRY, est implantée en Suède) propose une solution de téléconsultation, notamment pour lutter contre les déserts médicaux.

Entretien avec Jonathan Ardouin à la tête de la startup en France depuis 2018.

Entretien avec un entrepreneur inspirant : Jonathan Ardouin

Quel a été le “déclic” pour vous lancer pour la première fois dans le monde fantastique des startups ?

Mon premier métier était consultant en stratégie dans un cabinet de conseil américain. Je l’ai exercé 8 ans en faisant une pause de 2 ans, en MBA aux Etats-Unis. Après mon MBA, j’ai vu beaucoup de camarades de classe préférant se lancer dans l’entrepreneuriat plutôt que de reprendre leur métier “d’avant”. Constater leur épanouissement a fait naître l’envie et lorsque j’ai senti que le métier de consultant n’était plus pour moi, j’ai naturellement lancé ma première entreprise.

Quelle a été votre plus grande réussite ? Comment l’expliquez-vous ?

Au risque de paraître sentimental, la réussite dont je suis le plus fier et la qualité de l’équipe que nous avons réussi à construire chez Livi France. Nous sommes aujourd’hui 130 collaborateurs, et je me sens réellement entouré de talents experts et motivés qui peuvent emmener très loin ce beau projet. Depuis la création de Livi, j’ai consacré énormément de temps et d’effort au recrutement, en m’impliquant personnellement dans les 50 premiers recrutements mais également en étant intransigeant sur l’ambition apportée à chaque nouvelle addition à l’équipe, sans compromis. Je suis adepte de l’adage “quand il y a un doute, c’est qu’il n’y a pas de doute” et préférant retarder un recrutement plutôt que de prendre quelqu’un “faute de mieux”.

Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?

On estime qu’aujourd’hui que 18% des Français résident dans une commune où l’accès à un médecin généraliste est limité. La mission de Livi est toujours la même : favoriser l’accès aux soins dans les territoires et soutenir les médecins à réaliser leur mission dans de bonnes conditions. Cela se fera notamment en 2022 par :

  • Le recrutement de 500 nouveaux médecins dans notre équipe médicale. L’objectif est de permettre aux patients un accès simple, facile à un médecin lorsque son médecin traitant n’est pas disponible et l’aiguiller dans le parcours de soins coordonnés. Développer notre activité c’est aussi libérer la parole des patients en leur donnant accès à un interlocuteur rapidement pour aborder d’éventuels tabous de santé.
  • L’ouverture de 4 nouveaux centres de santé, en propre et en partenariat avec Elsan, le leader de l’hospitalisation privée en France. Ces nouvelles structures de proximité apporteront une offre de soins digi-physique innovante apportant une réponse pluri-professionnelle aux besoins de santé de la population (consultations de médecin généraliste, de spécialistes, et d’autres professionnels de santé).
  • Le développement de notre projet médical et l’ajout de nouvelles spécialités disponibles en téléconsultation. Le nombre de médecins spécialistes, tels que les gynécologues ou psychiatres, diminue depuis les années 2010 et cette baisse est susceptible de se poursuivre. Nous proposons déjà l’accès en téléconsultation à 5 spécialités et cette année nous souhaitons élargir cette offre et proposer l’accès aux soins à d’autres spécialistes, en téléconsultation et dans les centres de santé Livi.

Les ambitions du gouvernement en matière d’innovation pour une e-santé souveraine sont très fortes. Comment répondez-vous à cette ambition ?

A l’occasion du Ségur de la santé, ce sont 19 milliards d’euros qui ont été mis à disposition du marché pour les entreprises de la santé numérique. Nous partageons l’ambition du gouvernement en matière d’innovation et nous pensons que la télémédecine est un véritable levier pour répondre aux besoins de la population en termes d’accès aux soins.

D’une part, nous avons entrepris les démarches nécessaires pour intégrer le service d’accès aux soins, afin de venir participer à la gestion des soins non programmés et pouvoir offrir à chaque patient la solution adaptée à sa demande de prise en charge.

Nous sommes également en train de mettre en place les différentes normes d’interopérabilité poussées par le gouvernement, notamment dans le cadre de Mon Espace Santé. Elles permettront à l’ensemble des patients français de retrouver le contrôle sur leurs données de santé et de bénéficier d’un parcours de soins plus fluide. Pour les professionnels de santé ces données permettront d’atteindre un niveau d’information plus important et ainsi de renforcer la pertinence et la qualité des soins prodigués.

D’autre part, la création de centres de santé digiphysiques que nous ambitionnons s’intègre pleinement dans la volonté de modernisation des soins primaires portée par le gouvernement : en s’appuyant sur nos outils technologiques et grâce à nos praticiens, nous proposons une prise en charge globale et fluide aux patients.

Votre entreprise est européenne, comment assurez-vous la souveraineté des données en France ?

Effectivement, notre entreprise est européenne mais nous gérons indépendamment les données de santé des patients en fonction du pays de résidence. En France, toutes les données de santé de nos patients sont hébergées sur Coreye Healthcare, certifié hébergeur de “données de santé“.

L’accès aux données est sécurisé et soumis au secret médical ou professionnel. Les données de nos patients ne sont accessibles qu’à certains des collaborateurs. Notamment l’accès aux dossiers médicaux est limité au personnel soignant qui participe à la prise en charge du patient et au personnel médico-administratif qui a besoin d’accéder aux dossiers pour les besoins de la prise en charge.

Nous sommes particulièrement attachés à la protection des données de nos patients et nous travaillons constamment à maintenir un niveau de sécurité élevé pour garantir cette protection.

Au-delà de démocratiser l’accès aux soins de santé sur l’ensemble du territoire, comment améliorez-vous les conditions de travail des soignants ?

La téléconsultation permet aux médecins de travailler d’où ils le souhaitent et donc de bénéficier du télétravail en décidant combien d’heures ou de jours ils peuvent consacrer à la plateforme. C’est une véritable avancée pour ce corps de métier. Chez Livi, le bien-être et la qualité de vie au travail des soignants sont au cœur de nos préoccupations. D’ailleurs, chez nous, ils sont tous salariés de l’entreprise. Membres d’une équipe à part entière, ils bénéficient au quotidien d’un soutien RH, administratif, etc. Ceci permet aux médecins de s’affranchir d’une charge importante et de se concentrer exclusivement aux soins des patients.

Nous proposons un accompagnement continu grâce à notre support médical dédié et nous offrons des formations diverses sous forme de webinaires à destinations des médecins salariés. Enfin, les médecins sont encadrés par une direction médicale qui mène un projet médical innovant. Il existe une véritable communauté de soignants chez nous, qui partagent et qui échangent ensemble pour pratiquer une médecine éthique et de qualité.

La crise sanitaire a mis à rude épreuve tout le corps médical. Pour accompagner les médecins épuisés par la crise,  nous leur offrons une autre façon de travailler, plus flexible et souvent en complément des médecins traitants. La téléconsultation s’inscrit comme un dispositif complémentaire aux structures de soins existantes qui peut contribuer à améliorer le quotidien professionnel des soignants (améliorer les salaires ou désengorger les urgences par exemple) ou favoriser le développement de la vie privée (mobilité, etc.).

Quelles sont les personnalités qui vous inspirent le plus ? Pourquoi ?

Au-delà de grands entrepreneurs que je pourrais mentionner qui ont à cœur de mener à bien leurs idées visionnaires, j’ai toujours été guidé par une volonté de me dépasser dans la mission qui m’anime. J’ai dès lors un profond respect pour nos médecins qui, en plus de leur travail chez Livi, font face depuis 2 ans à l’épidémie du Covid, souvent dans des conditions éprouvantes, aux urgences ou dans leurs cabinets débordés. Leur abnégation et leur capacité à ne jamais baisser les bras a inspiré l’ensemble des équipes Livi.

Chez Livi, notre mission est de faciliter l’accès à un soin de qualité pour tous. Nous nous dépassons quotidiennement pour fournir aux patients une aide médicale beaucoup plus rapide en s’affranchissant des limites géographiques. Alors que la démographie médicale est en berne et que la France semble être de plus en plus frappée par la sous-densité médicale, Livi apporte une alternative aux patients et œuvre pour pallier le manque de professionnels de santé dans certaines zones rurales.

Quel conseil atypique donneriez-vous à tout entrepreneur qui se lance ?

La préparation est nécessaire, mais rien ne remplace l’action et le terrain ! Lorsque je mentore de jeunes entrepreneurs, je remarque – surtout parmi ceux fraîchement sortis des grandes écoles – qu’ils aiment se rassurer en ayant toutes les réponses avant de lancer leur projet. Analyse concurrentielle hyper poussée, plan à 5 ans, description de l’offre et calcul de prix détaillé etc. Ils / elles cherchent à tout maîtriser. Bien sûr, un minimum de préparation en amont est nécessaire (pour valider l’intérêt d’un business model par exemple), mais très vite, ces facteurs ne sont plus maîtrisables par la théorie et il faut éprouver ses hypothèses par la pratique.

Se lancer, et si l’on se trompe, prendre une autre hypothèse.

Le temps étant la ressource la plus rare à notre disposition !

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