À 55 ans, Stephan Français est PDG de Metavisio, une société cotée sur Euronext et détentrice de la marque d’ordinateurs Thomson Computing depuis 11 ans. Son objectif : gagner des parts de marché face à la concurrence asiatique et américaine, grâce à plusieurs stratégies taillées sur mesure.
Comment en êtes-vous venu à relancer la marque d’ordinateurs Thomson ?
Cela part d’un attachement familial. Mon père était ingénieur chez Thomson. À 10 ou 12 ans, cela me passionnait. Ensuite, j’ai effectué mon premier stage en entreprise au service comptabilité de Thomson. Je suis donc attaché à la marque, de façon personnelle et familiale.
J’ai un parcours atypique : j’ai fait une double maîtrise en gestion et sciences politiques, puis j’ai fait un doctorat en relations internationales. Après ma thèse sur « Le développement d’un axe de coopération économique et politique entre la France et la Chine », j’ai commencé ma carrière chez Surcouf, en tant que vendeur, puis suis passé rapidement directeur achats. Dans cette entreprise, j’ai pu joindre ma passion – l’informatique – à mes études. À l’époque, j’étais convaincu que, pour trouver un avenir à la France, il fallait accélérer les partenariats avec la Chine. Je suis très admiratif des Chinois et de leur pensée, de leur vision État-famille-individu, vision qui leur permet aujourd’hui de peser 40% de l’économie mondiale.
Je suis souvent allé en Chine, j’ai appris beaucoup de choses là-bas, j’ai rencontré des responsables de toutes les marques d’informatique. À l’époque, le Graal était les notebooks, mais je n’ai pas pu me lancer sur ce créneau tout de suite. J’ai alors créé la société HDW qui vendait les meubles audio-vidéo de la marque SoundVision que j’avais déposée. Ensuite, je me suis lancé à la conquête du Graal : en électronique, c’est évidemment l’informatique et l’ordinateur. En 2013, avec 30 000 euros, j’ai récupéré la marque Thomson et relancé la seule marque européenne dans le secteur de l’informatique, face à des concurrents chinois et américains qui pèsent au minimum 10 milliards de chiffre d’affaires.
Dans quel état était la société à ce moment-là ?
Il faut faire un petit retour en arrière. À la fin des années 80, des énarques et des polytechniciens, appuyés par l’État français, avaient essayé de conquérir le marché américain avec Thomson, Bull et Zénith. Ça a été un fiasco et cet échec fait toujours partie de la dette de l’État français. Thomson appartenait à l’État, il ne faut pas l’oublier. Si bien qu’en 1992, Alain Juppé a annoncé que Thomson valait un franc symbolique et a scindé le groupe en deux, entre Thomson Multimedia Technicolor d’un côté et Thales de l’autre, pour le secteur de la Défense.
En relançant la marque Thomson en 2013, j’ai créé des gammes en prenant des commandes tout de suite, et j’ai profité de la notoriété du nom, avec une entreprise qui a 130 ans. Je me suis inscrit dans un schéma français, je porte même le patronyme prédestiné pour !
Notre modèle – moderne et très différent de celui de la concurrence – nous permet d’exister, de perdurer et de pouvoir dire que, après 11 ans d’existence, nous n’avons jamais été aussi forts que maintenant. C’est un point très important.
Quel est ce modèle, précisément ?
Le modèle de Metavisio est basé sur le concept de vitesse et d’anticipation, modèle qui est complètement opposé à celui des géants de l’informatique. Ils sont six à posséder 80% d’un marché de 244 milliards de dollars – il sera probablement à 300 milliards en 2030 – et leur concept est de ralentir la technologie. Ils ont des campagnes marketing très coûteuses et leur amortissement est de 3 ou 4 ans minimum. Pour atteindre leurs objectifs de retour sur investissement, ils doivent donc ralentir l’arrivée des technologies. Quand un nouveau Mac sort, il est au point. Mais un ou deux ans après, alors qu’il est toujours en gamme, il est déjà hyper périmé.
Mais ce modèle ne fonctionne que lors de périodes fastes. Le problème, c’est que la technologie et l’innovation n’attendent pas. Nous sommes capables de changer nos produits tous les six mois, car nous avons beaucoup moins de dépenses marketing que les autres fabricants. Notre schéma est donc d’être les premiers à proposer les nouvelles technologies, au meilleur prix.
Avec Thomson Computing, nous concevons nos produits en France. Grâce à nos partenariats comme avec Intel, nous avons les mêmes tarifs que nos concurrents, sauf que moi je n’attends pas : quand une technologie est disponible et opérationnelle, je la propose au public grâce à l’investissement personnel de nos effectifs, constitués pour moitié d’ingénieurs et de techniciens.
Le grand public connaît le nom de Thomson, moins celui de Metavisio…
Metavisio est une société cotée sur Euronext. Cette année, nous voulons dépasser les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires, nous tablons même sur 142 millions, ce qui reste « petit » en informatique. Mais pour une entreprise européenne opérationnelle depuis 11 ans, c’est une vraie performance parce que jamais personne n’a tenu aussi longtemps face aux 6 géants de l’informatique, qui sont soutenus par deux États concurrents – qui s’affrontent aussi de façon presque militaire –, la Chine et les États-
Unis. Cela fait 11 ans que j’explique que ces deux pays ont mis la main sur l’autonomie industrielle et l’émancipation des nations et des peuples. Mais il y a de la place pour d’autres acteurs.
Actuellement, nous sommes sur un momentum exceptionnel, où la moitié de l’humanité déteste les Chinois et l’autre moitié déteste les Américains. Nous, nous sommes français, nous avons les meilleures connexions du monde et nous proposons des produits d’une très grande qualité sans attendre la vente de nos anciens stocks, puisque nous produisons en fonction de nos commandes fermes. C’est très vertueux.
Justement, quelles sont vos performances à l’international face à la concurrence chinoise et américaine ?
Nous avons aujourd’hui une très bonne cote. Nous avons déjà ouvert 52 pays, et nous voulons ouvrir le monde. Avant tout, le marché indien est capital pour nous. En mars dernier, nous faisions partie de la délégation française associée au président Macron, nous avons rencontré des responsables du gouvernement indien avec Pierre Krasnovsky, le directeur général de notre entreprise et ex-distributeur des ordinateurs Sony. Nous avons alors présenté nos nouveaux écrans transparents et tactiles, lors du salon Business France en Inde. Ils ont fait le buzz dans la presse.
Nous ne sommes pas dans la conception théorique, nous montrons des ‘working samples’ qui fonctionnent parfaitement et qui font partie de notre gamme 2024. Notre activité explose donc grâce au marché indien, et nous sommes même en train de signer des contrats avec d’autres nations.
Pour finir, comment voyez-vous l’avenir de la société ?
Nous sommes actuellement un train en marche, même si nous ne sommes pas aussi rapides que les géants de l’informatique qui sont soutenus par leurs États respectifs. Mais nous sommes autonomes.
Nous n’avons aucune limite et cette société fera rapidement un milliard de chiffre d’affaires. Nous allons bientôt annoncer que nous intégrerons nos primes d’émission au niveau des actions : entre les apports financiers, les primes d’émission intégrées et ce que je mets à titre personnel, nous passerons rapidement à 25 millions d’euros de fonds propres. La différence est énorme. Mon objectif à terme est de faire x10 ou x100 par rapport à la valeur d’aujourd’hui qui est largement sous-estimée.
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